Vie des projets
Il y a 530 ans, gravir le mont Inaccessible
Cette année marque le 530ème anniversaire de la première ascension du mont Aiguille, montagne emblématique du Vercors. Les 25 et 26 juin derniers, le village de Chichilianne a célébré l’évènement en revisitant le passé en compagnie de l’historien Stéphane Gal.
En 1492, le capitaine Antoine de Ville venait à bout du mont alors surnommé l’« Inaccessible », servant au passage les ambitions de Charles VIII pouvant ainsi montrer que rien ne résiste au Roi de France.
« Tout en faisant naître le concept moderne de « l’escalade », cette ascension fait de la montagne un milieu d’accomplissement et de dépassement de l’homme de la Renaissance. Ce faisant, elle entre dans la sphère de la symbolique politique et guerrière des rois de France », explique Stéphane Gal enseignant-chercheur au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes.
Reste à savoir, pour l’historien, les conditions dans lesquelles fut réalisée l’ascension. Où, mais aussi, par quels moyens techniques ? C’est là qu’intervient l’archéologie expérimentale, une discipline déjà éprouvée par Stéphane Gal lors de la reconstitution du franchissement des Alpes en armure par François 1er, avec le projet Marchalp. Objectif : « Retrouver le passage plausible dans les conditions d’Antoine de Ville ».
Pour partir à l’assaut du mont Aiguille, ce n’est plus d’armures mais d’échelles dont Antoine de Ville eut besoin. « Il a pris la montagne comme on conquiert une forteresse », raconte Stéphane Gal. Pour les besoins de l’expérience, des échelles ont été fabriquées puis empilées à la manière d’un échaffaudage. « Avant d’être un exploit d’alpinisme, c’est un exploit de charpentier », ajoute l’historien.
La reconstitution de l’ascension s’inscrit dans le cadre du projet de recherche Carmo – Corps armé en montagne – abordant le corps comme objet et moyen de produire des informations scientifiques sur les savoirs militaires et leurs rapports à la montagne par le recours à plusieurs disciplines : archéologie expérimentale, biomécanique, photogrammétrie. On retient, entre autres expérimentations scientifiques : la fabrication de quatre échelles d’assaut du XVème siècle ; des tests biomécaniques d’ascension, avec et sans armure, d’une échelle connectée en laboratoire ; l’ascension du mont Aiguille en tenue « chasseur de chamois » de 1492 ; l’échelade du mont Aiguille avec quatre échelles de bois ou encore l’échelade armée du château de Ruthière.
Le projet est mené en interdisciplinarité avec les biomécaniciens du Gipsalab (Franck Quaine et Violaine Cahouet) et en transdisciplinarité avec des charpentiers (entreprise Durand), chaudronnier (Alain Faure), expert du mont Aiguille (Bernard Angelin), éleveur de chevaux (Michel Jay), élus (Eric Vallier, maire de Chichilianne et Yann Souriau, ancien maire), associations (Vie du Village et Skieurs du mont Aiguille), Réserve naturelle du Vercors, Musée du Trièves et Musée des troupes de montagne, et de nombreux passionnés ayant prêté mainforte lors des tests sur le terrain. Un documentaire est en cours de réalisation par Ludovic Veltz.
Pour en savoir plus :
Découvrir le projet Carmo
Lire l’article de Lionel Cariou pour France Bleu
Lire l’article de Thomas Pueyo sur Alpine Mag ou dans Le Parisien
Voir le blog de l’évènement
Stéphane Gal nous dit tout sur l’échelade, ancêtre militaire de l’escalade, lors de la reconstitution au château de Ruthière :